LA SALUTOGENESE
Une autre façon de voir la Santé
La salutogénèse est l’étude des causes de la Santé. Elle axe ses recherches sur l’ensemble des facteurs qui contribuent à la santé et au bien-être, plutôt que sur la cause des maladies, la pathogénèse, qui reste encore de nos jours, le dogme dominant de la science biomédicale et de la médecine clinique moderne.
Les mystères de la résilience
A l’origine, le concept s’est développé à partir de l’étude des relations entre stress, santé et facteurs d’adaptation, au sein d’une population de survivants des camps d’extermination nazis institués durant la deuxième guerre mondiale. L’observation que, malgré des conditions extrêmes de déshumanisation, certaines personnes aient pu trouver les ressources nécessaires pour non seulement résister, mais également se reconstruire plus tard, ont conduit à rechercher les facteurs particuliers permettant ce processus. C’est le professeur de sociologie médicale Aaron Antonovsky (1923-1994) qui sera à l’origine de la création du mot, en posant formellement la question : « Quelles sont les conditions qui pourront mener telle personne vers une meilleure santé ?… ».
A rebours du modèle dominant
Le modèle développé par Antonovsky, notamment à travers son ouvrage « Health, stress and coping » publié en 1979, rejette l’approche dichotomique traditionnelle opposant face-à-face, la santé et la maladie, comme deux pôles s’excluant l’un l’autre. Il décrit au contraire un continuum qu’il appelle « health-ease versus dis-ease », oscillant de l’un vers l’autre en fonction de certains paramètres. En fait, de nos jours, la salutogénèse embrasse un champ beaucoup plus large qu’il ne l’était à ses origines. Les modèles construits sur cette base s’articulent tous autour d’une approche holistique, incluant à minima des dimensions physiques, sociales, émotionnelles, spirituelles, intellectuelles, vocationnelles et environnementales.
Le sens de cohérence
Le modèle développé par Antonovsky s’articule autour de la création de différents concepts, dont les principaux sont : les DRG (Défauts de Résistance Générale) qui sont les conditions et les forces omniprésentes, conduisant les personnes à entrer en situation de lutte face aux difficultés de la vie ; a contrario, les RGR (Ressources Générales de Résistance) sont les différentes forces que peuvent mobiliser les individus pour faire face à ces même difficultés ; C’est l’équilibre entre ces 2 grands types de forces qui va pouvoir déterminer si un facteur particulier va se révéler pathogène, neutre ou bien salutogène. Mais un paramètre va être déterminant dans ce mécanisme, c’est celui du « sens de cohérence ».
Ce concept de « sens de cohérence » est central dans le modèle d’Antonovsky. Sa solidité effective va permettre la mobilisation efficace des RGR et une maitrise des facteurs de stress, alors que sa faiblesse entraine immanquablement la maladie, et dans le pire des cas la mort. C’est une formulation théorique qui permet de modéliser le rôle central du ‘stress’ dans le fonctionnement de l’être humain : au-delà de la qualité intrinsèque du facteur de stress lui-même, ainsi que de sa perception subjective, ou même des réponses apportées par la personne y étant soumise, c’est l’intégrité du ‘sens de cohérence’ qui va déterminer le degré d’impact négatif de ce stress. Antonovsky définit lui-même le ‘sens de cohérence’ en expliquant qu’il est : « …une orientation globale qui décrit la mesure de confiance en soi et de dynamisme, que permet une appréhension structurée, prédictible et explicable de tous les stimuli qui rentre dans le champ d’expérience de la vie (1) ; des ressources sont disponibles pour faire face et traiter les demandes générées par ces stimuli (2) ; ces demandes sont motivantes, entrainant l’investissement et l’engagement actif de la personne (3).
Les piliers de la cohérence
Le ‘sens de cohérence’ apparait donc comme une composante à 3 dimensions :
- La compréhensibilité
C’est une croyance que les évènements se produisent d’une manière logique et globalement prédictible, d’une façon que l’on peut comprendre et à partir de laquelle il est possible d’anticiper raisonnablement ce qui peut en découler à l’avenir.
- La gérabilité
C’est la croyance que l’on a les capacités et compétences, les ressources, et l’aide nécessaire pour gérer les choses, et qu’elles-mêmes restent maitrisables.
- La signification
Peut-être la plus importante des 3 selon Antonovsky ; c’est la croyance que les choses dans la vie sont intéressantes et sources potentielles de satisfaction, qu’elles en vaillent la peine et qu’il y a de bonnes raisons d’être acteur de sa vie.
Les champs d’application
Les principes de la salutogénèse ont été déclinés jusqu’à maintenant dans différents domaines, notamment médecine du travail, en ressources humaines, et dans nombre de problématiques du bien-être de l’individu au sein des organisations professionnelles. Certaines expérimentations touchant au management, ont également essayé d’intégrer les principes de la salutogénèse avec plus ou moins de succès et de pertinence, en tentant de faire converger valeurs et dynamiques individuelles et collectives.
Mais c’est dans le domaine de la santé et de la médecine, champs premiers d’application du modèle salutogénétique, que le travail a été jusqu’à aujourd’hui, le plus significatif. Sa dimension sociologique a été une clé d’entrée pour des applications organisationnelles ou techniques dans des domaines aussi variés que la psychologie de la santé, la médecine comportementale, les protocoles de soins, la psychiatrie, la médecine intégrative ; certains grands systèmes de soin ont également cherché à intégrer cette dimension dans leur architecture même, mais le travail de généralisation de l’approche salutogénétique reste encore très largement à parcourir.
Salutogénèse et géobiologie professionnelle
La géobiologie professionnelle développée et mise en œuvre par l’AFGP se révèle totalement en phase avec ce modèle, car elle s’inscrit pour une part dans une logique holistique des facteurs de santé et de bien-être des individus, notamment bien évidemment et en priorité, sur les aspects environnementaux, a minima. D’autre part, elle contribue également fortement à renforcer le « sens de cohérence » en apportant des réponses et des ressources par rapport à des problématiques qui n’en trouvent généralement pas par ailleurs. L’expérience de tout géobiologue professionnel efficace peut largement en témoigner à travers la plupart de ses expertises ; la démarche est encore plus significative, efficiente et pérenne, lorsqu’elle menée en coopération avec des professionnels de santé, partageant eux-même cette approche.
Bibliographie
(en) Aaron Antonovsky, Health, Stress and Coping, San Francisco, Jossey-Bass Publishers, 1979
(en) Aaron Antonovsky, Unraveling The Mystery of Health. How People Manage Stress and Stay Well, San Francisco, Jossey-Bass Publishers, 1987
(fr) Bengt Lindström et Monica Eriksson, adaptation française par Mathieu Roy et Michel O’Neill, La salutogenèse. Petit guide pour promouvoir la santé, Presses de l’Université Laval, 2012, 140 pages